Appli CPF, les 7 conséquences pour les organismes de formation

Appli CPF

C'est un nouveau marché de la formation professionnelle continue qui émerge à travers le lancement de l'appli CPF (Appli Mon Compte Formation). Les clients sont désormais les futurs stagiaires eux-même, employés, demandeurs d'emploi, qui gèrent leur budget CPF en autonomie. Une réelle comparaison entre organismes et prestations devient possible. Facile même. Les procédures ont été radicalement simplifiées.

Tout savoir sur l'appli CPF

Comment réagissent les organismes de formation (OF) ? L'enjeu est de taille puisque le CPF représente entre 30 et 80 % de leur chiffre d'affaire lorsqu'il s'agit d'écoles de langues. Nos discussions avec une vingtaine d’interlocuteurs à l’intérieur et à l’extérieur du réseau VICTORIA'S English nous fait envisager les évolutions suivantes.  

 

Appli CPF, 7 conséquences pour les organismes de formation

 

1. Les stagiaires deviennent de vrais clients

Les premiers pas avec l’appli CPF confortent les espérances du Ministère du Travail. Les futurs stagiaires, qui ont désormais un budget et un vrai pouvoir décisionnel se comportent bien en clients. Et à ce titre, ils tirent le marché du CPF dans deux directions opposées, l’économie et la prodigalité.

  • L’économie. La moitié des stagiaires environ cherchent le meilleur rapport qualité prix, les bonnes affaires qui maximiseront leur pouvoir d'achat. Ils agissent sans doute à l'identique de ce qu'ils font ailleurs.
  • La prodigalité. L'autre moitié environ se comporte plutôt comme s'ils venaient de gagner une petite somme au loto. Pour eux, c’est open bar, tournée générale et ils cherchent ce qu'il y a de mieux, qu'ils assimilent (souvent à tort) à ce qu'il y a de plus cher. 

Qu'on se mette dans la tête de quelqu'un qui a accumulé 3 000 € de DIF + CPF, auquel on a rajouté 5 000 € au titre d'un licenciement économique. A-t-il jamais eu 8000 € d’argent disponible sur un compte, quel qu’il soit ?

 

2. Quid du CPF mobilisé par l'entreprise ?

Les plus grandes entreprises avaient pris ces dernières années l'habitude d'utiliser les budgets CPF pour des formations internes. Ils disposaient pour cela d'abondements importants de la part des organismes financeurs (OPCO). Cela sera-t-il encore possible ? Ce qui est certain c'est que les abondements vont disparaitre pour les entreprises de moins de 50 employés. Et qu'il sera plus difficile de convaincre les employés de sacrifier leur CPF pour un but collectif, rien ne les y forçant désormais.

 

3. Une simplification administrative plutôt que booking.com

Souvent présentée comme le Booking.com de la formation professionnelle continue, l’appli CPF ressemble plutôt à un simple support administratif. Elle permet une prise de commande rapide et efficace, mais pas grand chose d'autre. Il ne faut pas rêver y faire du commercial ou du marketing. Car la recherche d'un prestataire et d'une prestation est à ce point ardue que les internautes abandonnent très vite. Comment faire lorsque la moindre recherche livre 10, 20 ou 30 000 résultats ?

Les internautes recherchent en conséquence les enseignes qu’ils connaissent déjà, où qu'ils ont trouvé ailleurs. Et que la quasi-totalité des dossiers donnent lieu à de multiples échanges avec l'organisme de formation hors appli (rendez-vous, coup de fils, etc.). A tel point que le click final sur l’appli CPF se fait souvent dans le bureau du conseiller pédagogique !

D’où l’importance d’avoir une marque connue, une réputation, une visibilité en dehors de l’appli.

 

4. Offres sur mesure ou standardisées ?

On penserait à première vue que le format "Appli” semble plus adapté à la commercialisation de produits normés et standardisés. Mais on s'apperçoit que les organismes de formation ont avant tout tendance à vouloir transposer dans l'Appli CPF le fonctionnement qu'ils avaient auparavant. On constate donc que les organismes de formation champions du sur mesure créent sur l'appli les offres individuelles qu'ils destinent à la satisfaction des besoins spécifiques d’un seul client… !

 

5. Grande dispersion des tarifs

Les écoles de langues ont quasiment toutes snobé le tarif syndical de 12,50 € de l’heure. Et proposent des tarifs unitaires échelonnés entre 20 et 80 € par heure, en moyenne. On est très très loin des 5, 7 ou 9 € / heure pratiqués dans d’autre domaines (pâtisserie, plomberie, etc.).

Certaines offres semblent outrancières. On trouve par exemple une proposition de cours d’anglais à 13 026 €. Qui a autant d'argent sur son compte CPF, sauf abondement colossal ?  Mais l'appli CPF regorge d’offres autour de 4 000 €, 5 000 €, 6 000 €. De quoi valider les craintes des détracteurs du CPF qui ont affirmé qu'il coûterait cher et conduirait à de nombreuses pseudo formations. Le tableau ci-dessous présente un échantillon de prestations trouvées sur l'appli pour les cours d'anglais.

Tarifs pour l'appli CPF

 

6. Professionnalisme ou banditisme ?

La vaste majorité des offres de formation semblent professionnelles, ce qui va de soi. Et le surcroît de concurrence va probablement renforcer le professionnalisme. Mais les grands bandits du marché se reconvertissent sans surprise dans le grand banditisme online. On pense bien sûr à ces enseignes qui ont tenté de noyer l’appli CPF en déposant plusieurs milliers d’offres identiques chacune (plus de 6 000 offres pour une seule enseigne) ! Après nous le déluge et tant pis pour Muriel Pénicaud et sa belle appli totalement incapable de s’y retrouver parmi tant de résultats !

Mais on pense aussi à ces enseignes qui proposent des prestations pas très nettes, de type forfait salle de sport où l’engagement du prestataire est de maintenir à disposition des infrastructures et des professeurs pour que le stagiaire fasse autant d’anglais qu’il veut pendant 2, 4 ou 6 mois… Dans le cas des salles de sport, on sait qu'un inscrit sur 4 environ utilise les installations avec assiduité, les autres ne faisant que de la figuration. Appliqué à la formation professionnelle, ce modèle salle de sport peut conduire à des dérives...

  • faire exploser le coût horaire des prestations (coût forfaitaire rapporté in fine rapporté à des nombres réduits d’heures).
  • pousser les stagiaires à s'inscrire sans faire de cours afin que l'OF puisse empôcher les fameux 20% pour formation non réalisée.

On ne doute pas que ces comportements provoqueront, à terme, le retour de baton qu'ils méritent, tant de la part des stagiaires que de ceux des pouvoir publics. Ils viennent hélas conforter tous ceux qui opposent secteur public de la formation (vétuste mais généralement honnête) et secteur privé (moderne mais parfois corrompu).

 

7. Modernisme ou conservatisme ?

En valorisant l'heure de CPF à 12,50 €, le gouvernement souhaitait certainement limiter son exposition financière. Mais aussi encourager l'innovation pédagogique et l'apparition d'une offre de formation moins chère et accessible à tous. Or celle-ci n'est globalement pas au rendez-vous à l'heure actuelle. Le marché ne répond pas présent, et reste parfaitement conservateur, à quelques exceptions près comme notre réseau qui a créé une offre en apprentissage inversé à 12,50 € HT de l'heure.

 

Un changement dans la continuité

On peut dire en conclusion que les organismes de formation tentent de faire avec l'appli comme ils ont toujours fait avant l'appli. L'innovation n'est pas aujourd'hui au rendez-vous. Il est trop tôt pour voire fonctionner les mécanismes de régulation du nouveau marché CPF. Seront-ils ensuite à la hauteur pour voir se réaliser les dessins du Ministère du Travail ? L'histoire le dira.

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