L'approche proactive de l'anglais

Impressionnés par les personnes qui apprennent l'anglais par eux-même, armés d'un abonnement NETFLIX, DISNEY + ou AMAZON PRIME, nous avons enquêté sur ce phénomène de société. D'autant plus que le moral de nombreux professeurs d'anglais semble en berne. Concurrence de plus en plus exacerbée des plateformes en ligne, de l'Intelligence Artificielle et des pays à bas coût. Les professeurs d'anglais sont-ils destinés à ramer toujours plus fort?  Nous avons demandé à Henry Roux de Bézieux, le directeur de VICTORIA'S English.

L'anglais de façon proactive

L'interview

- Bonjour.

- Bonjour.

- VICTORIA’S English semble avoir pris un virage inédit ces derniers temps ?

- Oui, tout à fait. Nous nous intéressons de près à l’apprentissage de l’anglais par soi-même.

- C’est-à-dire… ?

- Le monde d’aujourd’hui est comme un buffet d’anglais à volonté. Il suffit de se pencher, et il y a de l’anglais. Des séries en anglais, des pages web en anglais, des réseaux sociaux en anglais… Ces contenus sont beaucoup plus intéressants pour les apprenants que les contenus « pédagogiques ». Ils sont authentiques. Ils sont partout. Et les apprenants comprennent de moins en moins pourquoi il leur faudrait un professeur d’anglais, alors qu’ils peuvent s’immerger par eux-mêmes.

- Ce n’est pas quelque chose que les gens font déjà, regarder des séries en anglais ?

- Oui, tout à fait. Les professeurs d’anglais disent à leurs élèves, regardez vos séries en anglais ! Mais, dit comme ça, ça ne marche pas. Les apprenants finissent plus ou moins tous par regarder les contenus en VO sous-titrée français. Et leur anglais ne progresse pas vraiment.

- Vous faites la promotion de quelque chose qui ne marche pas alors ? (Rires)

- Vous me taquinez ! Notre valeur ajoutée, c’est de montrer aux apprenants comment ça peut fonctionner pour eux. On les lance sur un chemin de découverte. Ils peuvent rester assis sur leur canapé, et même manger du pop-corn s’ils le veulent. Mais ils vont faire autre chose que regarder passivement.

L'approche proactive en quelques lignes

- Pouvez-vous résumer la méthode ?

- L’apprenant va regarder les séries qu’il aime. Celles qu’il regarderait de toute façon. Et il va apprendre à digérer les épisodes, à s’immerger dedans, un à un. La première fois, il regardera un épisode, peut-être même en français, juste pour le fun. Il a le droit. Mais ensuite, il va regarder en anglais, avec des sous-titres en anglais. Il va se renseigner sur les mots qu’il ne connaît pas. Il va étudier la structure de phrase. Pourquoi est-ce que l’acteur a dit ceci plutôt que cela ? Il va mener son enquête ! C’est un travail de détective. Dans un deuxième temps, il se focalisera sur la prononciation. La prononciation c’est la grande absente des cursus scolaires. C’est difficile de mémoriser un mot prononcé de façon approximative. Alors qu’une fois qu’on l’a bien écouté, il se mémorise tout seul. L’apprenant va lire le script de l’épisode, il va s’entraîner à le jouer avec l’intonation, ce qu’il peut faire seul ou à plusieurs. Et progressivement, il va mettre en œuvre d’autres activités pour écrire et parler en anglais, tout en restant focalisé sur l’épisode qu’il vient de voir. Au final, il ne va pas passer 20’ à voir un épisode de sitcom. Il va y consacrer une ou deux heures, voire plus. Il va vraiment le déguster jusque dans les moindres détails. Il aura mémorisé plein de choses sans n’avoir jamais eu l’impression de travailler. Il se sera entraîné à parler plus qu’il ne l’aurait dans cinq heures de cours traditionnels. Cette approche va décupler sa confiance en lui. Son cerveau, qui était initialement lent en anglais, va accélérer. Il va cesser de traduire dans sa tête et va progresser jusqu’à comprendre et s’exprimer couramment.

- Vos apprenants sont autodidactes, en quelque sorte ?

- Autodidacte, c’est un mot un peu désuet. Mais oui, on peut le dire comme ça.

- Il paraît que seuls environ 15% des Français réussissent à être autodidactes ?

- C’est un des arguments des profs. Mais c’est faux, dans le sens où, si vous expliquez la démarche, si vous mettez le pied à l’étrier, la vaste majorité des apprenants vont maîtriser l’approche. Ils en feront ensuite quelque chose de plus amusant et de plus profitable que les cours d’anglais traditionnels.  

Les résultats de l'anglais proactif

- Et ça fonctionne ?

- C’est bien parce que ça fonctionne que nous nous y intéressons. Cette approche produit un éventail de résultats plus riche et intéressant que les cours traditionnels. Sur un plan technique, les apprenants ont tendance à s’investir beaucoup plus, et à devenir perfectionnistes. Ils montent avec aisance jusqu’aux niveaux d’anglais B2 et C1. Ils ne travaillent pas par devoir, sous la contrainte. Ils font quelque chose qu’ils aiment. Et s’ils s’ennuient ? Ils changent de série. Ils sont aussi nombreux à se défaire de leur accent français pour parler avec un accent anglais ou américain. On les pousse à vraiment soigner leur prononciation. Au final, la plupart vont plus loin, et se choisissent au moins un accent qu’ils vont maîtriser. Ce sont eux qui le choisissent. J’en connais un qui s’est installé à Londres, et qui a appris à parler exactement comme les Anglais. Il s’est même fait couper les cheveux à l’anglaise. “Clandestin à Londres”, il appelle ça. C’est un jeu auquel il joue avec lui-même. Que personne ne puisse jamais deviner qu’il n’est pas anglais. Ses potes français restent entre eux, le week-end, ils ne réussissent pas à s’intégrer socialement au Royaume-Uni. Mais lui se faisait inviter partout dans des soirées où aucun français ne va jamais. Je cite cet exemple, car il incarne l’esprit de cette approche. Il ne s’agit plus d’écouter un professeur. Mais d’aller au bout de son trip à soi.

Ecoles de langue, grandes écoles, universités, que faire?

- Intéressant. Et vous pensez que cette approche peut intéresser les écoles de langue, les grandes-écoles ?

- Non. Globalement non ! Le paradigme éducatif fonctionne globalement sur une autre planète, qui ne laisse pas de place pour l’autoapprentissage. Les professeurs sont censés savoir, et les apprenants sont censés écouter.

- Alors à qui vous adressez-vous ?

- Aux apprenants directement, pour la plupart. Les apprenants sont motivés. Ils ont souvent de mauvais souvenirs de leurs cours d’anglais. Ils veulent des résultats. Ils ne veulent pas s’ennuyer. Plein de bonnes raisons de venir chez nous.

- Et si je suis une grande école, une université, et que je viens vous voir, que me dites-vous ?

- C’est difficile pour les institutions. En 1950, avoir un vrai prof d’anglais, qui parlait l’anglais, qui avait séjourné au Royaume-Uni, c’était une ressource rare ! On se précipitait pour prendre des cours avec lui. Il n’y avait pas d’autre façon de se former. Mais aujourd’hui ? Les institutions essayent, comme avant, de capter l’attention des apprenants. Mais c’est difficile de rivaliser avec Netflix, YouTube et TikTok. Le professeur d’anglais qui dit, face au buffet linguistique à volonté, restez sagement assis ! Je prends vos assiettes ! C’est moi qui sais ce dont vous avez besoin ! Je reviendrais dans cinq minutes avec quelques morceaux choisis ! Ça ne va plus du tout. Les apprenants veulent se lever, s’amuser, explorer le buffet par eux-mêmes. Les institutions, et les professeurs payent cher le fait de ne pas le comprendre. Du coup, nombre de grandes écoles se sont crispées sur la préparation du TOEIC, ou du LINGUASKILL. Elles n'enseignent plus l'anglais, mais le TOEIC. Quelle déchéance, quand même !

- Le buffet d’anglais à volonté. Jolie métaphore. Alors, si je suis une grande école, ou une école de langue, et que je vous contacte quand même, pour faire la même chose que VICTORIA’S English, vous me dites quoi ?

- Je leur sers un bon thé anglais, dans de la jolie porcelaine, avec un nuage de lait froid, et une tranche de cake. On cause un peu. Et ensuite, on verra. Le 21e siècle appartiendra à ceux qui sauront prendre ce virage.