Prof d'anglais, quid dans 25 ans ?

Prof d’anglais, quid dans 25 ans ?

Professeur d'anglais, un métier d'avenir ?

Quoi, prof d’anglais, un métier en voie de disparition ? Vous pensez certainement que c’est une boutade ! Rassurez-vous, il y aura encore de nombreux professeurs d’anglais, et pour longtemps. Et pourtant, si nous écrivons cet article aujourd’hui c’est parce que les signes avant-coureurs des changements sont déjà là, the writing is on the wall, comme on dit.

Nous ne parlerons pas ici du système scolaire, du collège et du lycée, quoi que tout ce que nous aborderons pourrait bientôt s’y appliquer. Nous parlerons des grandes écoles, des universités, des écoles de langues privées et plus généralement des professeurs d’anglais pour adultes.

Ce que nous présentons ici est issu d’une journée de réflexion avec les responsables “langues” de plusieurs écoles d’ingénieur et Business School françaises. Le thème était, “Quid de l’enseignement de l’anglais dans les décennies à venir ?

Au niveau des pratiques, le constat qui a été fait que, malgré les évolutions technologiques, l’enseignement de l’anglais reste sur les bases acquises il y a des décennies. Il garde encore aujourd’hui des traces de l’enseignement du latin et du grec au Moyen Âge (focalisation sur le vocabulaire et la grammaire…). L’expression orale est globalement sacrifiée sur l’autel de la rentabilité (groupes trop grands…). Le professeur d’anglais se vit encore et toujours comme quelqu’un qui détient un savoir avec l’obligation de le transmettre…

Les structures consacrées à l’enseignement de l’anglais (centres de langues) sont décrites par leurs responsables comme “napoléoniennes”, “hiérarchiques”, “rigides”, “pyramidales”, “normatives”, “en silo” (cloisonnées) ! Nous n’en croyons pas nos oreilles d’entendre tous ces qualificatifs !

Au niveau des modèles mentaux, ces derniers n’ont guère évolué. Certes, les méthodes, les outils, les technologies ont évolué, on parle désormais compétences, approches pluridisciplinaires (autres enseignements, projets en anglais…, Objectifs du Développement Durable en anglais, etc.), etc. Mais les bases conceptuelles n’ont guère bougé. Les professeurs et les institutions fixent encore et toujours les objectifs, les programmes et les normes dans une démarche top down. Le niveau B2, sanctionné par un TOEIC ou un LINGUASKILL reste le graal indépassable, quel que soit le stress généré (entre étudiants, entre institutions).

 

Un système qui "fait le job"

D’un point de vue des institutions, ce système a le mérite d’exister, de “faire le job” et de se montrer résilient, puisqu’il fonctionne de façon ininterrompue depuis des décennies. L’enseignement de l’anglais est une nécessité basique mais pas considéré comme hautement stratégique. On fait donc avec ce qui existe, bien que nombre d’acteurs ne s’y retrouvent pas. On lui pointe généralement trois catégories de défauts.

Pour les professeurs d’anglais, c’est un système usant. Eux qui sont majoritairement pédagogues, orientés vers les autres, généreux et créatifs, ce système les condamne à une éternelle répétition. Il leur faut transmettre encore et toujours. Fournir toujours de l’énergie, de l’enthousiasme face à la relative passivité des apprenants. C’est aussi un système qui bloque rapidement les évolutions de carrière qu’il faudra généralement chercher en dehors de leur institution, car il n’y a guère de mobilité possible à l’intérieur.

Pour les étudiants, ce système est frustrant. D’une part, il ne répond pas à leur fantasme, le cours particulier, la reproduction à l’âge adulte de la relation parent/enfant qui a présidé à l’apprentissage de leur langue maternelle. Mais il ne contribue pas non plus à les faire évoluer vers l’autonomie, la maturité qui sera exigée d’eux dans le monde du travail. Ils subissent l’apprentissage, ne pilotent pas ce qui s’y passe, n’apprennent pas à apprendre une langue car personne ne se préoccupe jamais d’en parler avec eux.

Pour les institutions, c’est un système perçu comme coûteux. Non qu’il le soit forcément en valeur absolue. Mais toute dépense qu’on pourrait éviter (en recrutant des apprenant qui parlent déjà l’anglais par exemple) est nécessairement perçue comme telle. Et l’accent est bien souvent mis sur les économies. En entreprise, du fait de la réalisation de très nombreux cours particuliers, l’anglais coûte une fortune absolue. Des milliards d’euros en budget CPF et OPCO par exemple. A tel point que FranceCompétence ne cache plus son désir d’éliminer, autant que possible, les cours de langue du CPF, ce vers quoi ils cheminent à petits pas.

 

Un système en bout de course

Quels que soient ces inconvénients, le système actuel d’enseignement de l’anglais aux adultes n’est pas actuellement remis en cause en France, ni à destination des étudiants, ni à destination des employés. Pourquoi en effet changerait-il ? N’a-t-il pas survécu à l’épreuve du temps ? Et certains responsables – nous les avons entendus de vive voix –préfèrent nier l’existence de recherches françaises sur la pédagogie des langues, alors même qu’il y en a, plutôt que de reconnaître que ces recherches effectuées ne cautionnent pas le maintien des systèmes actuels.

En effet, le professeur d’anglais se périme désormais à petite vitesse, et ce n’est pas parce qu’il fait moins bien son travail qu’avant, c’est parce que le monde autour de lui est en train de changer. Et s’il n’y prend garde, il risque tôt ou tard de prendre le chemin des “pools de dactylo” des années 1980, qui ont tous été fermés lorsque chaque cadre a disposé de son propre ordinateur. Que se passe-t-il donc dans cet environnement ?

Les compétences des professeurs d’anglais se sont banalisées. Ils sont maintenant des millions, de par le monde, à se faire une concurrence frontale dans un univers peu différencié ou tout le monde est sympathique, dynamique, compétent, et dispose des mêmes outils numériques !

Par ailleurs, les professeurs d’anglais peinent à contrer une concurrence omniprésente.

  • Les plateformes en ligne, payantes et gratuites de plus en plus perfectionnées. Avec en bas de gamme, des milliers de site qui expliquent le present perfect ou les verbes irréguliers largement aussi bien que n’importe quel professeur d’anglais. En haut du tableau, des cursus qui ont coûté des dizaines de millions en termes d’investissement et proposent des cours personnalisés de grande qualité.
  • Les cohortes de professeurs sympathiques et compétents issus de pays émergents qui ne coûtent qu’une fraction de ce que coûte un professeur en France. Qui, en France, est disposé comme eux à gagner 5 € de l’heure ?
  • Les documents authentiques (internet, films, séries, documents d’entreprise, recherche scientifique…) qui exposent les apprenants à de plus en plus d’anglais au quotidien.

Les idéaux pédagogiques évoluent eux aussi. L’Université de Cambridge fait le pari de l’apprentissage inversé. Le CRAPEL-ATILF, organisme de recherche en didactique des langues, dépendant du CNRS, a montré sans appel la supériorité des approches “autodirigées” (les étudiants suivent leurs inspirations, se fixent leurs propres objectifs et programmes) travaillant sur des “documents authentiques” (de vrais livres, films, séries, podcasts, émissions, sites en anglais, plutôt que des livres de cours spécialement édités pour enseigner l’anglais). Et l’on peut se voiler la face quant à ces recherches, le temps qu’on voudra. Elles finiront par se faire connaitre, car les résultats sont au rendez-vous, et qu’elles permettent des apprentissages plus faciles, plus rapides, plus axés sur l’oral, comme nous le montrons dans notre Ebook “L’Anglais avec les Séries” qui montre comment l’on peut désormais atteindre un niveau d’anglais avancé avec un simple abonnement Netflix, un peu de méthode et de bonne volonté, et absolument sans professeur d’anglais !

 

Comment aborder l'avenir ?

Alors que faire aujourd’hui, alors qu’une menace diffuse mais non immédiate pèse sur la profession, sans que l’on puisse savoir si elle mettra 5, 10 ou 20 ans à faire son effet ? Deux questions paraissent essentielles.

En tant que professeur d’anglais, quelle attitude adopter ? Pour certains, il semblera légitime de vouloir tirer jusqu’à la retraite sans trop se remettre en cause. Ça se comprend dans bien des cas. D’autres au contraire seront attirés par la volonté d’explorer les nouveaux paradigmes. D’acquérir des compétences utiles pour demain (le coaching, la maîtrise des nouvelles pédagogies, … ?) De contribuer à façonner l’enseignement de demain.

En tant qu’institution, la question se pose en termes de pilotage du changement. Il ne s’agit aucunement de changer de paradigme du jour au lendemain. Car le changement s’introduit toujours à la marge, à la périphérie, il doit être nourri, encouragé, accompagné. La question qui se pose devient alors, quels sont les effectifs, les moyens, les cursus, les programmes que l’on consacre à explorer les nouveaux paradigmes pédagogiques afin de se préparer progressivement à l’enseignement de demain ?

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