Corruption passive et formation continue ?

Corruption formation professionnelle continue

- Bonjour Monsieur, j'ai besoin d'une formation d'anglais prise en charge par le CPF (Compte Personnel de Formation). C'est un appel entrant comme nos écoles de langues en reçoivent tous les jours. 

- Pas de problème Madame ! De combien d'heures disposez-vous ?

- Mon RH m'a dit que j'avais encore 120 heures sur mon compte. (Petit silence) Et je ne veux que des cours particuliers...

- Ah d'accord ... On peut vous organiser ça, mais ça dépend du taux de prise en charge des heures CPF par votre OPCA ?

- Mon RH m'a dit que c'était 25 € de l'heure...

- Ah, 25 € de l'heure, c'est un très bon taux ! (Notre consultant sait que les stagiaires ont des tarifs différents en fonction des OPCA) Mais à ce tarif là, nous ne pourrons pas vous proposer que des cours particuliers. Un prof en chair et en os, rien que pour soi, ça coûte plus cher que ça, vous pouvez le comprendre !

- Oh si vous avez besoin de me faire signer des feuilles d'émargement pour des heures de cours en ligne bidon, je vous les signerai ! Mais je ne veux que des cours particuliers.

- Mais Madame ! Ce seraient des fausses feuilles d'émargement si vous n'avez pas fait les heures !

- (Exaspérée) Mais enfin Monsieur, tous vos concurrents m'ont dit qu'ils le feraient ! Et je ne vois pas de quel droit vous me priveriez du droit de bénéficier de mes 120 heures de CPF à ma guise... 

Ce dialogue ne sort malheureusement pas d'un film de science fiction, mais du quotidien d'une des écoles de langues du réseau VICTORIA'S English. Et il met tristement en évidence un problème récurrent qui affecte l'ensemble de la filière formation professionnelle continue : les invitations à la fraude. Car on peut de toute évidence incriminer les individus (cette dame par exemple, qui s'est insurgée qu'on puisse l'empêcher de frauder à sa guise).

On peut incriminer les centres de formation, qui ont été plus incités à jouer habilement des règles du système de préférence tout en restant toujours du bon côté de la légalité, plutôt qu'à optimiser la qualité des cursus.

On peut incriminer les partenaires sociaux, qui ont mis en place ce système et se sont à bien des égards servis en premier, comme l'illustre le rapport Perruchot sur la formation professionnelle continue.

On peut incriminer la DIRECCTE, qui est investie du pouvoir officiel de contrôle de la formation continue, et de répression des abus, mais dont les moyens ne correspondent sans doute pas à l'envergure de la tâche.

Mais plutôt que de jeter la pierre de façon vaine, ne faudrait-il pas incriminer une fois pour tout un système dès l'origine mal conçu, qui n'a pas eu l'effet de favoriser la formation professionnelle continue en France, tout en institutionnalisant des formes de corruption soft, légales ou presque légales ? Système dont les entreprises et les salariés ont été au final les grands perdants parce que c'était leur argent qui disparaissait ainsi dans les méandres d'un système inutilement complexe.

 

Un système en cours de réforme

Le gouvernement d'Edouard Philippe s'est fermement engagé début 2018, par la voix de son Ministre du Travail, Madame Muriel Pénicaud, à réformer la formation professionnelle continue. Décrit comme un "big bang de la formation professionnelle continue", cette réforme vient opportunément mettre fin plusieurs des dispositifs ouverts à la fraude et à l'abus. 

  • Le CPF, Compte Personnel de Formation sera désormais valorisé en €, et non plus en heures. Ce qui fait disparaître la possibilité de gonfler articifiellement le montant des prises en charges en jouant sur la conversion entre heures et €.
  • Le prélèvement des cotisations de formation continue (le "1% formation") sera désormais confié à l'URSSAF, ce qui supprimera quelques ambiguités dans le positionnement des partenaires sociaux.
  • Le rôle et le nombre de conseillers en évolution professionnelle sera étoffé. Ceux-ci proposent notamment "un dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation et ses projets professionnels". Ils joueront incontestablement un rôle important pour aider les salarié à faire le tri dans les dispositifs de formation.

Signe des temps, Geoffroy Roux de Bézieux, candidat 2018 à la direction du MEDEF a co-signé une plateforme, "Comment réformer le financement des organisations patronales ?". Il y prône le financement des partenaires sociaux par des cotisations volontaires, plutôt que par des "quasi - cotisations sociales obligatoires". Ce type de discours, qui aurait été impossible il y a 10 ans annonce l'amélioration de la représentativité des partenaires sociaux. Et donc un renouveau salutaire du paritarisme à la française.

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